Parmi les solutions que l’on croit pouvoir trouver pour amortir l’augmentation des prix de l’énergie, quelques amateurs mettent en avant notre capacité – certes bien réelle – de connaître une avancée technologique qui rendrait nos équipements moins gourmands dans leur consommation. En apparence, le raisonnement se tient. Mais dans la réalité, les choses ne se passent pas ainsi, parce que le comportement des consommateurs n’est pas stable, il évolue au gré des circonstances, en en l’occurrence, la possibilité qui s’offre à eux de consommer à moindre coût les entraîne à consommer plus. Nous sommes vraiment dans une économie comportementale : expliquons-nous, ou plutôt, citons des exemples historiques qui mettent en évidence cette loi économique.
Impact des chocs pétroliers sur l’automobile
Sous le coup des deux chocs pétroliers au milieu et à la fin des années soixante-dix, les pays développés, premiers consommateurs d’énergie – puisque, comme nous l’avons déjà démontré, la richesse n’est rien d’autre que de l’énergie transformée – les pays riches, donc, de cette époque, essentiellement l’Occident et le Japon, ont intensifié leurs recherches technologiques et mis au point des objets moins gourmands en consommation d’énergie. L’un des exemples les plus frappants est celui du secteur automobile : non seulement on a mis au point des moteurs plus sobres, mais on a étudié l’impact de la ligne des véhicules sur la consommation. C’est ainsi qu’a disparu l’extrême diversité des formes qui faisaient jadis le charme des automobiles, avec leurs marques bien distinctives : aujourd’hui, ce qui fait la différence est plutôt à l’intérieur de l’habitacle, mais plus vraiment à l’extérieur, de sorte que toutes les marques ont tendance à se ressembler. Mais le résultat final fut une augmentation vertigineuse du nombre de véhicules dont l’acquisition était encouragée par la certitude qu’ils coûteraient moins cher. C’est ce qu’ont bien vu, chacun de leur côté, deux économistes, le britannique Leonard Brookes et l’israélien Daniel Khazzoom, dont les analyses nous rappelèrent une loi oubliée d’un économiste anglais du milieu du XIXe siècle, William Jevons, auteur du paradoxe qui porte son nom.
Paradoxe de Jevons et Effet Rebond
Jevons, en effet, avait observé que l’invention de machines à vapeur moins gourmandes en charbon que les précédentes, avait entraîné non pas une diminution de la consommation de charbon, mais au contraire son envolée. Quand les choses deviennent plus efficaces et moins coûteuses, nous nous jetons sur elle, c’est un comportement psychologiquement explicable, mais dont on voit comment il impacte l’économie tout entière.
Plus près de nous encore – et ce sera, avec le pétrole des années soixante-dix et le charbon des années 1860, notre troisième exemple – l’invention des ampoules à basse consommation n’a nullement réduit notre consommation électrique par ce biais, mais l’a au contraire augmenté, parce que, confiants en la sobriété du nouveau matériel, nous en avons posé partout dans nos
maisons et nos bureaux.
Cette loi se résume à ce qu’on appelle l’effet rebond : la possibilité de consommer à moindre coût repousse les limites que l’on aurait pu s’imposer à la consommation.
Voilà une nouvelle démonstration disposant qu’il n’est pas dans la nature de l’homme de se limiter, quand bien même la sagesse antique nous enseignait le contraire, selon laquelle il était répréhensible de vouloir égaler les dieux. Mais justement, l’antiquité vécut un progrès technique dont la lenteur ne prit fin, du moins en Occident, qu’à partir de ce qu’on a appelé paradoxalement le moyen âge. Autant d’enseignements qui pourraient nous être utiles à notre époque où nous cherchons des solutions au renchérissement du coût de l’énergie.
Sources :
Sobriété énergétique : un plan pour réduire notre consommation d’énergie
Réduire sa consommation d’énergie