On a parlé au moment de la rentrée de « canicule » : le mot vient du latin canicula, la petite chienne. C’est le surnom que l’on donne à l’étoile Sirius, la plus brillante à nos yeux après le Soleil, qui apparaît dans la constellation du Chien. Elle se lève et se couche en même temps que le Soleil entre le 22 juillet et le 23 août, à l’époque de l’année où il fait le plus chaud. On a donc d’abord parlé des « jours de Canicule », les jours de la petite chienne, puis l’on n’a plus parlé que de la petite chienne pour qualifier les jours très chauds, comme ceux de la rentrée de septembre.
Il n’y a pas si longtemps que l’on s’est mis à dessiner les courbes des températures enregistrées, mais cela ne signifie pas que l’on n’ait jamais inscrit pour mémoire les grands pics de chaleur. Nos archives ne sont pas particulièrement anciennes, mais elles remontent quand même au début du XVIIe siècle.
En ce moment, on parle de canicule, ce n’est pas faux, c’est oublier un peu vite que dans la troisième semaine du mois d’août, le temps fut particulièrement frais, pour ne pas dire froid, pour la saison. En vérité, si la météorologie est une science aussi compliquée, probablement la plus difficile en termes de calculs, si l’on se trompe si souvent de prédictions, c’est que le climat lui-même est, dans son déroulement quotidien, un phénomène extrêmement complexe et souvent déroutant.
Canicule, sécheresse, pluies : quelles conséquences causées par les excès climatiques ?
Ce qui nous déroute aussi de notre chemin de réflexion, c’est notre incompréhension des conséquences engendrées par les excès climatiques. Par exemple, on ignore que le pire ennemi de l’agriculture n’est pas la sécheresse – jusque dans une certaine limite, certes – mais un été trop pluvieux. Bien sûr, l’eau, c’est la vie, mais trop d’eau, c’est la mort, parce que trop d’eau détruit les germes. Pour donner un exemple historique célèbre, le terrible orage qui se déversa sur les champs de blé le 13 juillet 1788 détruisit les récoltes de blé à tel point que les réserves ne purent être remplies, et qu’avec les manœuvres malhonnêtes de quelques spéculateurs sur le prix des grains, la disette se répandit, qui contribua à alourdir le climat social à l’ouverture des Etats-Généraux l’année suivante.
L’insuffisance d’eau, en provoquant des écoulements vaseux insalubres, peuvent générer des infections bactériennes comme la dysenterie, un mal redoutable, mentionné dans nos archives. En 1636, la canicule provoqua 500.000 morts, dit-on, « par fièvres chaudes et dysenteries ». En 1705, dans le sud du royaume, les thermomètres éclataient sous l’effet de la dilatation du mercure. En 1718 puis 1719, le climat à Paris reste caniculaire jusqu’à la mi-septembre, la chaleur devient saharienne, au point que des nuages de sauterelles – eh oui ! – s’abattent sur la ville et vont ravager les champs jusqu’en Normandie : on compta en tout 700.000 morts. On voit donc qu’on était alors loin devant nos catastrophes contemporaines : 15.000 morts en 1911, 20.000 en 2003, en particulier parmi les personnes âgées moins protégées que les autres.
Management des risques et canicule
Du point de vue managérial, on notera que l’année 2003 a peut-être marqué un tournant, à cause du nombre de morts – 70.000 dans l’Union européenne, les deux pays les plus touchés étant la France et l’Italie. Le ministre des personnes âgées de l’époque n’avait rien vu venir, ce qui est normal, la prédiction climatique étant difficile, nous l’avons dit, mais surtout n’avait rien fait pour lutter contre le fléau. Aujourd’hui, dans un pays vieillissant où 600.000 personnes vivent en Ehpad, on se munit de ventilateurs, climatiseurs et fontaines ou réserves d’eau pour éviter que la même catastrophe ne se produise, ce qui a divisé par sept le nombre de victimes l’année dernière, avec 2.800 morts. Comme quoi, le management des risques, cela marche.
Sources :
Avec trois épisodes de canicule, l’été 2022 est le plus meurtrier depuis 2003
Août 2023 : une canicule tardive exceptionnelle sur une grande partie du pays
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